L’avortement est une partie sûre et essentielle des soins de santé reproductive. Lorsqu’il est pratiqué avec les bonnes méthodes, dans des conditions adaptées et avec un accompagnement approprié, les complications sont rares. Mais lorsqu’elles surviennent, la différence entre un rétablissement complet et une urgence vitale dépend souvent de la rapidité avec laquelle elles sont reconnues et prises en charge.
En tant que prestataires, vous êtes souvent la première ligne de soutien. Ce guide a pour objectif de vous fournir des outils pratiques et des rappels, afin que vous puissiez réagir rapidement, en toute confiance et avec compassion lorsque des complications surviennent.
Reconnaître les complications courantes de l’avortement
La plupart des patientes se rétablissent bien après un avortement.Cependant, rester vigilant aux complications éventuelles permet d’intervenir rapidement et d’éviter des conséquences graves. Bien que la plupart des problèmes soient traitables, ils peuvent progresser rapidement s’ils ne sont pas détectés. Voici quelques-unes des complications les plus fréquentes que vous pourriez rencontrer dans la pratique clinique :
- Avortement incomplet : Des produits de conception retenus restent dans l’utérus après un avortement médicamenteux ou chirurgical.
- Grossesse intra-utérine en cours : En cas d’avortement médicamenteux, il existe un faible risque que la grossesse persiste.
- Hémorragie : Des saignements abondants peuvent résulter d’une atonie utérine, d’une rétention tissulaire, d’un traumatisme du col de l’utérus ou de l’utérus, ou d’une coagulopathie.
- Infection (septicémie) : La rétention de tissus ou des pratiques non sécurisées peuvent provoquer une infection, possiblement systémique.
- Grossesse extra-utérine : Il faut toujours envisager ce risque si la localisation de la grossesse n’a pas été confirmée ; cela peut mettre la vie en danger.
- Rupture utérine, perforation utérine, lésions des organes adjacents : Plus probable en cas d’intervention chirurgicale, en particulier à un âge gestationnel avancé ou lorsque les compétences ou l’équipement du prestataire sont insuffisants.
- Coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) : Peut faire suite à une hémorragie ou une infection grave.
- Hématométrie : Accumulation de sang dans la cavité utérine, généralement due à une obstruction ou à une rétention tissulaire.
Être conscient de ces possibilités vous aide à agir rapidement et à rassurer les patientes sur le fait que vous savez identifier les signes à surveiller.
Signes et symptômes cliniques à surveiller
Chaque avortement est suivi d’une période de convalescence pouvant inclure des saignements, des crampes et des changements émotionnels. La difficulté est de distinguer ce qui est attendu de ce qui est inquiétant. Être capable d’identifier rapidement les signes d’alerte est l’un des outils les plus puissants dont vous disposez en tant que prestataire. Soyez particulièrement attentif aux signes suivants :
- Saignements qui imprègnent plus de deux serviettes hygiéniques épaisses par heure pendant deux heures consécutives.
- Douleur abdominale intense ou qui s’aggrave, non soulagée par les médicaments.
- Fièvre, frissons ou pertes vaginales malodorantes.
- Étourdissements, évanouissements, accélération du rythme cardiaque ou hypotension.
- Symptômes persistants de grossesse tels que nausées ou sensibilité des seins.
Fiez-vous à votre instinct : si quelque chose ne vous semble pas normal,il vaut la peine d’y regarder de plus près.
Prise en charge immédiate des complications
En cas de complications, une intervention rapide permet de sauver des vies. La première priorité est la stabilisation, qui consiste à garantir la sécurité des voies respiratoires, de la respiration et de la circulation sanguine. Le traitement dépend ensuite du problème sous-jacent. Par exemple :
- Saignement : Effectuer un massage utérin, administrer des utérotoniques (ocytocine, misoprostol,méthylergométrine) et envisager une aspiration s’il reste des tissus.
- Infection : Commencer immédiatement un traitement antibiotique à large spectre, puis évacuer l’utérus si nécessaire.
- Grossesse extra-utérine : Stabiliser la patiente et prévoir une prise en charge médicale ou chirurgicale en urgence.
- Perforation ou lésion : En cas de suspicion de lésion utérine ou organique,stabiliser et orienter rapidement vers une évaluation chirurgicale.
La prise de mesures simples mais opportunes, comme l’administration de liquides ou d’antibiotiques avant l’orientation, peuvent faire la différence entre la survie et le déclin.
Soins de longue durée et suivi après complications
Une fois l’urgence aiguë prise en charge, les patientes ont encore besoin de soins continus pour se rétablir complètement, tant physiquement qu’émotionnellement. Le suivi permet de vérifier la guérison, de prévenir de futurs problèmes et d’apporter de la réassurance. Les points importants à privilégier sont :
- Soutien au rétablissement physique : surveillance des saignements, prévention de l’anémie, vérification de la disparition de l’infection.
- Conseils en contraception : beaucoup de personnes ovulent dans les deux semaines suivant un avortement. Proposer rapidement des options permet d’éviter une grossesse non désirée.
- Soutien émotionnel : offrir un espace pour que les patientes puissent exprimer et surmonter leurs émotions avec compassion et bienveillance, et proposer des orientations spécialisées si nécessaire.
- Instructions de suivi claires : expliquer en détail ce qui est normal, ce qui ne l’est pas et quand il faut consulter à nouveau.
Vos compétences médicales sont essentielles, mais les personnes souhaitant avorter peuvent aussi trouver du réconfort dans vos paroles et votre présence. La façon dont vous écoutez, rassurez et expliquez peut apaiser la peur tout autant que n’importe quel médicament ou procédure.
Lorsque vous continuez à assurer un suivi, à accompagner le rétablissement et à offrir un soutien attentionné, vous ne traitez pas seulement une complication, mais vous contribuez également à restaurer la confiance de vos patientes en leurs corps, leur santé et les soins reçus. Ce soutien continu garantit que les patientes se sentent en sécurité, respectées et vraiment prises en charge bien après la fin de l’urgence immédiate.
Prise en charge des complications dans les milieux à faibles ressources
Dans les milieux à faibles ressources, les prestataires de soins n’ont souvent pas accès à des blocs opératoires complets, à un suivi constant en laboratoire, ni même à des visites de suivi fréquentes. Pourtant, c’est dans ces milieux que la compassion, les compétences cliniques et la mise en pratique des protocoles font toute la différence. En s’appuyant sur le guide de Gynuity, voici des stratégies qui peuvent vous aider à prendre en charge les complications liées à l’avortement en toute sécurité, même lorsque certains outils sont limités.
Conseil, préparation et attentes claires
Avant de commencer un avortement médicamenteux, faites une consultation approfondie. Expliquez aux patientes à quoi s’attendre : crampes, saignements (qui peuvent être plus abondants que les règles et durer plusieurs jours), effets secondaires (nausées, vomissements, fièvre passagère, diarrhée) et distinguez ce qui est « normal » de ce qui signale un problème.
Encouragez les patientes à signaler les signes d’alerte tels qu’une fièvre élevée persistante ou qui s’aggrave, des saignements très abondants ou prolongés, des douleurs intenses ou des signes de maladie. Prévoir à l’avance comment et où consulter en cas de complication permet de réduire les retards dans la prise en charge.
Gestion de la douleur, des saignements et des infections avec des ressources limitées
Proposez un analgésique de base (AINS comme l’ibuprofène, le paracétamol) et des mesures de confort (par exemple, bouillottes, repos, soutien à domicile) pour gérer les crampes et la douleur. Même un soutien non médical (compresses chaudes, repos, hydratation) est important.
- En cas de saignement : Comptez les serviettes hygiéniques ou un équivalent local pour déterminer si le saignement est « trop important ». Clarifiez la signification de « saignement excessif » en termes locaux. Si le saignement est important ou s’il y a des signes de compromis hémodynamique, assurez-vous que des liquides IV et éventuellement un renvoi pour une prise en charge chirurgicale sont disponibles.
- Infection : Utilisez des antibiotiques conformément aux directives locales en cas de suspicion d’infection (fièvre persistante, pertes malodorantes, etc.). En cas d’infection grave, une hospitalisation peut être nécessaire. Soyez attentif aux tissus résiduels infectés.
Suivi et confirmation de la fin de l’avortement
Même si les visites de suivi en clinique sont difficiles à organiser, veillez à prévoir au moins un suivi (en présentiel ou par téléconsultation/téléphone si possible) pour confirmer que l’avortement est complet et qu’il n’y a pas de complications.
Lorsque l’échographie n’est pas disponible, l’examen clinique associé au récit de la patiente concernant ses symptômes (saignements, douleurs, retour à la taille utérine attendue, disparition des symptômes de grossesse) peut suffire.Dans certains cas, une dose supplémentaire de misoprostol peut être appropriée si l’avortement semble incomplet mais qu’aucun signe de danger n’est observé.
Formation, renforcement des compétences du personnel et partage des tâches
Inclure les sages-femmes, les infirmières et les agents de santé communautaires dans la formation, et pas seulement les médecins. De nombreuses tâches (conseiller, administrer les médicaments, reconnaître les signes de danger, fournir des soins de première ligne) peuvent être effectuées par des agents de santé non-médecins.
Renforcez la confiance des prestataires grâce à des études de cas, des jeux de rôle et une supervision formative. L’expérience acquise avec le protocole d’avortement médicamenteux augmente la sécurité et l’acceptabilité.
Orientation et planification de secours
Même les meilleurs protocoles reconnaissent que l’avortement médicamenteux n’est pas efficace à 100 % ; les établissements doivent disposer de systèmes clairs d’orientation et de secours pour une intervention chirurgicale complète en cas de besoin.
Identifiez à l’avance les lieux de soins chirurgicaux d’urgence, les endroits où les transfusions sanguines sont possibles et les itinéraires de transport sûrs. Dans les zones éloignées, la mise en place de systèmes « en étoile » (où les petits établissements s’orientent vers les plus grands) contribue à garantir la sécurité.
Aborder les mythes, la stigmatisation et les obstacles à l’accès
Les mythes (p. ex., « l’échographie est toujours nécessaire », « seuls les médecins peuvent pratiquer un avortement médicamenteux », « l’avortement médicamenteux est dangereux ») peuvent entraver l’adoption de protocoles sûrs. Fournissez des informations précises au personnel et aux patientes.
Assurez-vous que les informations soient accessibles, dans les langues locales, respectueuses des différences culturelles et incluant des options pour les personnes à mobilité réduite ou dont la vie privée est limitée. Réduire la stigmatisation permet aux personnes de consulter plus tôt et de suivre les recommandations.
Systèmes de référence et quand chercher des soins avancés
Fournir des soins d’avortement sécurisés et gérer les complications lorsqu’elles surviennent exige à la fois des connaissances et de la confiance. Même les prestataires expérimentés bénéficient d’une formation continue, car les protocoles évoluent, de nouvelles données probantes apparaissent et chaque patiente a des besoins uniques. La formation permet non seulement d’affiner les compétences cliniques, mais aussi de développer la sensibilité et les outils de communication qui aident les patientes à se sentir en sécurité et respectées dans les moments de vulnérabilité.
Une formation complète devrait inclure :
- Les protocoles cliniques pour l’avortement médicamenteux et chirurgical, ainsi que la prise en charge des complications.
- La préparation aux urgences : comment agir rapidement et efficacement en cas de complications urgentes.
- Les compétences en communication pour s’assurer que les patientes comprennent à quoi s’attendre et quand demander de l’aide.
- Les stratégies de partage des tâches pour que les infirmières, les sages-femmes et les agents de santé communautaires soient habilités à fournir des soins en toute sécurité.
- La réduction de la stigmatisation et des soins centrés sur la personne pour créer des environnements sûrs et respectueux.
La formation continue aide également les prestataires à se sentir moins isolés — en particulier dans les environnements à faibles ressources ou à forte stigmatisation — en les connectant à une communauté plus large de collègues et à des ressources fondées sur des données probantes.
Si vous souhaitez approfondir vos connaissances ou actualiser vos compétences, pensez à explorer notre Formation en ligne gratuite sur l’avortement médicamenteux. Ces formations sont conçues pour être accessibles, pratiques et fondées sur des données probantes. Elles offrent des conseils sur les protocoles d’avortement sécurisé, la prise en charge des complications et l’accompagnement des patientes. Elles constituent un excellent moyen de renforcer votre pratique et de garantir à vos patientes les soins les plus sûrs et les plus adaptés possibles.
Les soins liés à l’avortement ne se limitent pas à la réalisation de la procédure. Il s’agit aussi de protéger la vie, la santé et la dignité à chaque étape. En restant attentifs aux signes d’alerte, en réagissant rapidement aux complications et en créant des systèmes efficaces même dans les contextes à faibles ressources, les prestataires deviennent des piliers de la sécurité de leurs patientes.
Chaque geste, de la stabilisation d’une urgence aux mots gentils et rassurants, peut influencer l’expérience de soins de la patiente. Et lorsque les prestataires s’engagent dans un apprentissage continu, que ce soit par des formations formelles, le soutien entre pairs ou des cours en ligne, ils contribuent à garantir que chaque patiente, partout, bénéficie de soins compatissants et fondés sur des données probantes.
Rappelez-vous, votre rôle en tant que prestataire d’avortement est plus que clinique ; il est profondément humain. En conjuguant compétence et empathie, vous rendez l’avortement sécurisé véritablement possible.